L’École-musée

L’École-musée

L’École-musée se trouve derrière la mairie de Puka, son entrée est libre. Jusqu’en 1969, le bâtiment servait d’école, avec quatre salles de classes qui sont aujourd’hui utilisées pour présenter quatre thèmes en rapport avec le lieu et l’histoire de Puka : la vie de l’homme de lettre Migjeni, les hommages qui lui ont été rendus, le développement de l’enseignement dans la région, enfin les activités culturelles qui ont été organisées à Puka.

Dès l’entrée dans l’école on voit un grand tableau représentant Migjeni. Il a été peint par Karoj en 1972, trois ans après l’ouverture de l’école-musée et en plein régime communiste, alors que Migjeni est largement manipulé par la propagande. La première pièce de l’École-musée est consacrée à la présentation de la vie et de l’œuvre de Migjeni. Millosh Gjergj Nikolla, de son nom de plume Migjeni (obtenu par juxtaposition des premières lettres de son prénom, son patronyme et son nom de famille), est un célèbre écrivain et poète du XXème siècle. Il est d’origine slave et parlait le serbocroate avec ses parents, mais est né dans le nord de l’Albanie, à Shkodra en 1911. Il commence des études au Monténégro voisin pour intégrer le clergé orthodoxe, mais finalement se réoriente vers l’enseignement, et sera vu a posteriori comme athéiste et même hostile aux religions. En même temps d’enseigner, il écrit des poèmes et des récits, en albanais. Il va tous les jours à l’école en vélo, même en hiver, si bien qu’il prend froid et devient malade. Il choisit de se soigner à Puka, et enseigne dans son école, pendant 18 mois. Sa santé empire et il va en Italie, dans le Piémont, où il meurt en 1938.

Migjeni écrit à l’époque du règne du roi Zog, et peint la pauvreté de la population de Puka, et plus généralement des montagnards, accentuée par la crise 1929 qui touche l’Albanie aussi. À cause de ces critiques, son premier recueil, Vers libres (Vargjet e Lira), tombe sous le coup de la censure et il se contente d’en publier des extraits dans des journaux. Migjeni devient célèbre après sa mort, lors de l’établissement du régime communiste. La critique du gouvernement de Zog et la réputation d’athéiste de l’auteur est reprise par les dirigeants communistes pour légitimer leur politique. C’est dans ce contexte que l’histoire de Zeneli est intéressante. Zeneli est un élève de Migjeni, et ce dernier écrit un livre qui prévoit la vie de Zeneli, qui resterait pauvre (Zeneli ynë i paharruar, Notre inoubliable Zeneli). Zeneli, cependant, devient en fait un responsable communiste important à Elbasan, au sud de Tirana. En même temps, il critique le pouvoir communiste en place et c’est pourquoi il est tué. Son fils écrira un roman sur son histoire pour lui rendre hommage. La manipulation de Migjeni par les communistes explique aussi la traduction rapide, dans les années 1950 et 1960, de son œuvre dans des langues européennes et asiatiques, surtout celles des pays du bloc communiste. Aujourd’hui, on trouve des textes de Migjeni traduits dans plus de 40 langues.

Vue de l’École-musée de Puka.

Malgré la chute du communisme, néanmoins, Migjeni demeure populaire, et la seconde pièce de l’École-musée présente les multiples hommages qui lui ont été rendus à Puka tout au long du XXème siècle. L’importance de Migjeni à Puka a été jusqu’à conduire le Président de la République albanaise à se rendre à l’École-musée. La deuxième pièce, hormis les hommages rendus à Migjeni, a pour intérêt la conservation de son aménagement tel qu’il était lorsque l’école a cessé de fonctionner, en 1969. On peut voir les anciens bancs en bois avec les pupitres, le grand tableau noir, une ardoise avec laquelle un élève avait appris à écrire, et une carte de l’Albanie pour les cours de géographie.

 

La troisième pièce de l’École-musée présente l’histoire des écoles de l’ancien district de Puka. Celle-ci a commencé au début du XXème siècle, avec la création de l’école d’Iballë, aujourd’hui dans la municipalité de Fushë-Arrëz à l’est de Puka. Tout comme la France avait pour responsabilité de garantir les droits des chrétiens de l’Empire ottoman au Levant, l’Autriche-Hongrie devait défendre les droits des catholiques des Balkans. L’Empire des Habsbourg a décidé de la création d’une école catholique à Iballë en 1903, et il est intéressant de noter que son premier instituteur, Kole Zezaj, avait lui-même fait ses études en Autriche. Progressivement, l’école catholique s’est ouverte aux musulmans et aux autres religions, puis est devenue religieusement tout-à-fait neutre. En même temps, l’influence de l’Autriche ne s’est d’une certaine manière pas totalement évanouie puisque l’école des neuf ans de Puka, et d’autres bâtiments de la ville, sont soutenus par l’organisme Austria-Albania Partnerschaft dirigée par le Dr Marianne Graf. À l’origine, il y avait trois grands axes dans l’enseignement : les connaissances théoriques, le sport et le jardinage, qui se faisait sur la parcelle de l’école.

 

Un hommage est rendu à un autre enseignant, Ndue Pjetri, qui est le seul à Puka à s’être vu décerner la médaille de l’ « Enseignant du Peuple » (Mësues i Popullit), la décoration la plus prestigieuse dans le système scolaire communiste. Enfin, l’un des instituteurs du district de Puka, Shtjefën Gjeçov Kryeziut, a édité une version du Kanun, un recueil d’anciennes règles coutumières typique du nord de l’Albanie. La quatrième et dernière pièce de l’École-musée présente d’autres décorations et des photos d’événements culturels organisés à Puka, comme des conférences ou un salon philatélique.